DE L’IMPERATIF DE REPENSER LE LIEN ENTRE LE MONDE DE L’INNOVATION ET CELUI DE L’ENTREPRISE EN AFRIQUE

Pour des raisons à la fois économiques (accéder à de nouveaux marchés, créer de nouvelles activités) mais aussi sociales (mettre en valeur un potentiel de savoirs et d’ingéniosité qui ne demande qu’à s’employer), développer l’innovation constitue un objectif prioritaire pour les économies africaines.

L’innovation dans ces pays révèle une réalité multiple allant du bricolage ingénieux au laboratoire de classe internationale. De ce fait, elle relève de problématiques différentes selon le segment considéré. D’un autre côté, elle canalise de façon très (trop) limitée la capacité de création d’une population jeune et imaginative. La comparaison de la place de l’Afrique, par exemple, dans le domaine de la création artistique, qui demande peu de moyens, et dans celui de la production de connaissances scientifiques et de technologies, donne une idée de l’ampleur des défis à relever, ainsi que des marges d’action possibles à un moment où, partout dans le monde, l’accent est mis sur la créativité. La politique scientifique et technique est l’instrument privilégié de ces transformations. À ce jour, elle a principalement été tournée vers le secteur des hautes technologies, imitant en cela la pratique des pays développés et délaissant les activités à faible contenu technologique. Or ce sont ces dernières qui représentent le plus fort potentiel en termes de débouchés et d’emplois et qui pourraient avoir un véritable impact sur l’économie. Pour reprendre une distinction classique (Ergas, 1987), il s’agirait de passer d’une politique de mission à une politique principalement orientée vers la diffusion. Cette politique scientifique et technique impacte naturellement la politique d’éducation dans le sens d’une meilleure représentation des filières technologiques ou à caractère professionnel. Elle pourrait s’organiser autour des trois objectifs suivants :

  • mettre en place une véritable politique d’absorption de connaissances qui évoluera ensuite en fonction des progrès accomplis vers une place croissante pour la production locale, ce qui implique, au moins pour un temps, un changement complet des politiques actuelles.
  • offrir un soutien systématique sous la forme d’expertise (un peu à la manière des laboratoires des préfectures au Japon), de formation, d’aide à la gestion aux innovateurs de terrain et encourager la diffusion.
  • partout où c’est possible, inciter au regroupement des entreprises de toutes tailles autour de projets de filière ou d’industrie, de façon à pouvoir les encadrer en leur offrant un maximum d’assistance technique et de services et en facilitant les contacts de tous ordres entre les différentes catégories d’entreprises. À moyen terme, ce regroupement permet d’élever le niveau de compétence des acteurs du cluster, ce qui à son tour contribue à le rendre attractif. On sait aussi que c’est en créant massivement des pôles d’excellence dans certains domaines que des pays comme l’Inde ou la Chine ont pu attirer les activités de R & D des grandes firmes multinationales et créer un « chemin de traverse » qui leur a permis de parvenir

Jude BOUDA
Entrepreneur et Directeur Exécutif /Association Education Libre Accès

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